Talent émergent de l’art plastique béninois, Thierry OUSSOU est lauréat du prix
international « The one minutes africa awards 2011 » dans la catégorie « micro-
commercials ». Le jeune prodige saisit l’occasion de cette importante distinction pour en
appeler à une plus grande implication des artistes dans la gestion de la cité.
Afiavimag : Vous avez représenté le Bénin en Egypte à la phase finale des
trophées « The one minutes Africa awards 2011 ». Et la moisson a été plutôt
bonne pour le néophyte que vous êtes en vidéo ?
Thierry OUSSOU : C’est bien cela, j’étais un profane certes mais j’avais quand même un
regard dans la photographie ! En fait, j’avais pris part à un atelier dont les travaux ont été
présentés à ce concours. J’ai eu la chance de voir deux de mes œuvres dans la sélection dont
l’une intitulée « Local Spirit » a remporté le prix « micro-commercials ».
Quel sujet avez-vous abordé dans « Local Spirit » ?
J’ai filmé un docker sans emploi de 46 ans qui noie ses soucis dans l’alcool de fabrication
locale appelé « sodabi ».
Et qu’est qui a séduit le jury d’après vous dans cette vidéo ?
Peut-être le personnage dans son rôle de publiciste ! Car il vantait bien les mérites du produit.
Je pense en ce qui me concerne que pour évoluer, il faut partir de sa base, ce serait donc une
erreur de se renier.
Ainsi vous trouvez dans la vidéo un nouveau moyen d’expression ?
Tout à fait. J’ai commencé la vidéo récemment, mais je pense déjà qu’elle s’impose à moi.
J’ai reçu un prix qui m’oblige à prouver par le travail que je l’ai mérité. Maintenant je vais
utiliser la vidéo pour faire ressortir ce que je n’arrive pas à exprimer par la peinture et la
sculpture. Je veillerai à être plasticien sans être vidéaste et vidéaste sans être plasticien !
Vous restituez jusqu’au 08 décembre 2011 à l’atelier de votre aîné Dominique ZINKPE à
Cotonou, une résidence d’artistes plasticiens que vous avez organisée à Allada, votre cité
natale sous l’appellation « Davié Yè »… « Davié » est l’ancien nom d’Allada. « Yè » signifie
images, esprits. Il s’agit donc d’œuvres de l’esprit produites par des artistes du Bénin, du
Togo, de la France et de la Côte d’Ivoire, inspirées de l’histoire d’Allada et son fondateur.
Pourquoi un tel attachement à l’histoire dans votre démarche artistique ?
Parce que notre culture est négligée. Allada dispose de nombreux sites non valorisés malgré la
position de certains de ses fils à l’Unesco. C’est pour cela que j’y ai installé mon atelier de
création et j’invite tous les artistes, toutes disciplines confondues à saisir cette opportunité
pour honorer la cité mère.
Vous éprouvez également le besoin de partager votre passion avec les plus
jeunes ?
Bien sûr ! Moi j’ai commencé l’art dès ma plus tendre enfance. C’est vrai que mes parents
n’en voulaient pas et je devais me cacher pour le faire. Je dessinais surtout pour répondre aux
provocations de mes camarades parce que j’étais timide. C’est par la suite que j’ai pu
participer à des ateliers, stages, résidences et remporter des prix. Comme aujourd’hui les
temps ont changé, j’ai donc décidé d’animer des clubs d’art plastiques dans des collèges.
Vous réalisez assez d’œuvres à base du carton et du feu, quel message
particulier véhicule une telle technique ?
Je me sers du feu pour répercuter sur le carton les souffrances de la terre. On souffre
énormément dans ce monde et les douleurs issues de cette souffrance je les sculpte en
masques grâce au feu. Je fais aussi de la récupération, c’est-à-dire que je prends des choses à
la nature et j’essaie de leur donner vie !
Comment envisagez-vous la suite de votre carrière artistique ?
Il y a de quoi se poser des questions. Dans quel pays sommes-nous ? Quelle indifférence vis-
à-vis des artistes ? Si mes aînés ont subi un tel sort, alors l’avenir n’est pas radieux ! J’ai reçu
un prix au plan international et aucune autorité de mon pays n’a songé savoir à ce jour qui je
suis. C’est dommage !
Alors que faire ?
Associer les artistes à la gouvernance politique. Pourquoi ne pas leur confier par exemple le
département ministériel en charge de la culture ? Je pense qu’il faut rendre à César ce qui est à
César et à Dieu ce qui est à Dieu.
Des projets ?
J’avais deux plans : allez dans une école d’art, ou être autodidacte. Je constate que le second a
pris le pas sur le premier. Je souhaite donc disposer d’un espace qui me soit propre car celui
que j’occupe actuellement et qui abrite l’« atelier Yè » est celui de mon grand père. J’ai par
ailleurs une exposition personnelle en préparation.
René Georges BADA (Bénin)